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   Toutes celles et ceux qui ont la chance de pouvoir prendre des vacances le savent bien : Les jours passent trop vite, et un beau matin il faut repartir. Nous sommes donc rentrés à Paris, en pensant déjà aux prochaines périodes de congés…. Cette fois j’avais pris soin dans l’avion de me couvrir le cou pour ne pas aggraver la situation…

 

   Mon mal de gorge avait disparu comme il était venu et j’avais normalement repris mon activité professionnelle, oubliant très vite ce petit souci qui m’avait quand même un peu gâché la vie durant cette semaine de repos.

 

   Les jours étaient de plus en plus longs, le temps clément, bref, l’été n’était pas loin. Bien entendu je ne ratais jamais une occasion, d’aller avec quelques amis, faire quelques trous sur les nombreux golfs de la région Parisienne. Grâce aux « RTT », nous avions pris l’habitude de jouer plutôt en semaine, car les parcours étaient moins fréquentés que les week end.

   J’avais remarqué, sans pour autant m’en inquiéter, que j’avais de plus en plus souvent un peu de mal à terminer les dix huit trous de chaque parcours. Pour une raison que je ne m’expliquais pas encore, j’étais plus fatigué qu’à l’accoutumée, et généralement c’était vers le trou 10 ou 11 que je commençais à peiner, à être essoufflé et à avoir du mal à marcher.

   Bien entendu cette déficience physique avait une incidence sur mon jeu, et je jouais de plus en plus mal. Il est vrai aussi, du moins c’est la raison que j’invoquais, pour me rassurer, que j’avais eu, professionnellement parlant, une année particulièrement dense et stressante, et il m’arrivait souvent de m’endormir le soir en pensant à tous les dossiers, et autres réunions, entrecoupées de déplacements en province et à l’étranger  qui m’attendaient. Un bon mois de congés au bon air vivifiant de Bretagne,  dans deux mois et demi, et tout rentrerait dans l’ordre !.

   C’est du moins ce que j’avais la faiblesse de penser….

 

   N’importe qui d’autre, serait allé à ce moment là, consulter un médecin pour faire des analyses, un bilan. Cette fatigue que je ressentais sans raison n’était pas normale et aurait du m’alerter. Comme à mon habitude je continuais de puiser dans mes réserves, et ma bonne humeur que rien ne semblait pouvoir entamer me faisait très vite oublier ces petits problèmes. Quelle bêtise !.



Bretagne, Golfe du Morbihan, août 2005

 

   Comme nous le faisions pour Menton, nous avions l’habitude depuis une dizaine d’années de passer quinze jours en Bretagne, soucieux que nous étions d’éviter la foule de la Côte d’azur en juillet et août ainsi que les grosses chaleurs. Lorsque cela était possible nous nous y rendions généralement les deux premières semaines d’août.

   Notre fils Xavier vivait maintenant sa vie de son côté, nous n’avions donc comme souci principal que celui de nous reposer et de rompre avec le rythme infernal de la Capitale, et essayer d’oublier, un temps du moins, le bruit, les embouteillages et la pollution qui va avec.. Nous aimions beaucoup la Bretagne, et plus précisément le Golfe du Morbihan tout au sud de cette magnifique région.

    Nous avions trouvé une petite maison que nous louions tous les ans à cette même période. Un grand jardin, une double exposition, à 50 mètres de l’eau et surtout dans un endroit très calme. Pour les Parisiens que nous étions, c’était là un vrai petit Paradis, idéal pour recharger nos batteries, et nous retrouver un peu tous les deux ma femme et moi !

   Cette année là, lorsque nous sommes arrivés j’étais très en forme. J’avais attendu ces congés avec beaucoup d’impatience et nous y étions enfin!. Il faisait beau, nous n’avions pas rencontré de difficultés particulières sur la route, la maison était toujours aussi accueillante, les oiseaux gazouillaient, l’air était empli de bonnes odeurs d’iode et de marée basse ; bref tout allait bien.

 

  Comme toutes les  habitations qui ne sont pas occupées en permanence, l’atmosphère à l’intérieur de la maison était un peu humide. Mais après tout nous étions en  Bretagne et l’humidité faisait aussi un peu partie du quotidien. De plus, comme elle n’avait pas été louée la quinzaine précédente, c’était un peu normal.

   Nous avons donc bien aéré, ouvrant en grand, portes et fenêtres, pour assainir un peu l’air ambiant. Le soir venu, et une fois nos affaires rangées, nous sommes allés, ma femme et moi, dîner dans un petit restaurant proche du port voisin, et où nous avions aussi nos petites habitudes.

   Apéritif, six huîtres du Golfe en entrée et raie au beurre noir arrosée d’un petit vin bien frais et léger pour moi, et moules marinières et tajine de la mer pour mon épouse. Une bonne glace et un café serré vinrent  terminer ce bon petit dîner.

   Après le repas nous avons fait ce qu’il est coutume d’appeler une petite promenade digestive en faisant  le « tour du Phare », juste à l’entrée du Golfe du Morbihan, côté Port-Navalo. Après quoi, et avant d’aller dormir, nous nous sommes assis quelques minutes sur le sable encore tiède de la plage, à écouter le bruit des vagues et à regarder les feux rouges et verts des bateaux aller et venir à l’entrée du Golfe.

 

La belle vie quoi! .

 

   J’avais bien sur, fumé une cigarette avec mon apéritif, puis deux autres depuis que nous étions sortis de table.

 

   En me glissant dans les draps et avant de sombrer dans un sommeil lourd et réparateur, j’avais bien senti l’humidité résiduelle sur les draps de notre lit, c’est d’ailleurs sans doute pour cela que le lendemain j’avais à nouveau mal à la gorge et, chose nouvelle, la voix un peu cassée !! . Un bon café bien chaud et ça ne devrait pas durer.

   Je n’étais d’ailleurs pas le moins du monde inquiet, à tel point que je n’avais pas du tout réduit ma consommation de tabac (je m’étais tout de même mis à la pipe, pensant naïvement que cela était moins agressif pour ma gorge que le paquet quotidien, de gitanes que je fumais depuis toujours).

 

   Pour qui n’a jamais commencé à fumer il est effarant de constater comme les fumeurs sont en permanence tentés de se déculpabiliser par des artifices aussi ridicules qu’inefficaces ! La pipe en faisait bien entendu partie….

 

Comme je l’ai indiqué précédemment, J’ai commencé à fumer très jeune. Ma première cigarette, pour essayer, fut une « P4 », du nom de ces paquets qui ne contenaient que 4 cigarettes et que la plupart des gamins des années soixante s’achetaient à plusieurs pour aller fumer en cachette de leurs parents, dissimulés derrière un buisson ou dans l’encoignure rassurante et protectrice d’une porte cochère.

Pour moi, qui habitait alors la campagne, ce fut un buisson qui cacha mes premières « tafes ». Bizarrement je n’avais éprouvé aucun plaisir lors de cette première expérience, au contraire cela m’avait un peu écoeuré, et autant que je m’en souvienne, je m’étais dit alors que je ne recommencerai pas.

Cette première cigarette  allait pourtant, sans que je puisse le savoir, à cet instant, marquer le début d’une vie de fumeur. J’ai grandi, je me suis trouvé devant d’autres sollicitations que je n’ai pas su ou pas voulu refuser, et je me suis retrouvé piégé. Si j’avais un seul conseil à donner ce serait celui-là : Même pour essayer, ne commencez jamais à fumer ; même pas une cigarette, car forcément un jour ou l’autre il y aura d’autres tentations,  et l’addiction, car c’est bien de cela qu’il s’agit, est vite là.

Il est alors trop tard !

 

Manque de volonté, inconscience, très certainement les deux à la fois, mais malgré tout, et comme pour toute autre addiction, il n’est aucun qualificatif qui puisse excuser cette irresponsabilité, que certains définiraient, à juste titre, comme une faiblesse de caractère.

   J’ai, comme tous les fumeurs du monde « pensé » à m’arrêter, mais même quand je passais à l’acte, déterminé à en finir avec le tabac, j’essuyais un échec supplémentaire. Pour être tout à fait sincère, je crois que je savais à chaque nouvelle tentative, que je n’y arriverai pas. A chaque fois je jouais perdant, je n’y croyais pas, et donc j’échouais.

   Ce que personne n’ose dire, c’est que le tabac est une drogue dure, et comme pour toute les autres drogues, la dépendance est très rapide. De plus, de nos jours, le tabac des cigarettes (ou des pipes !) qui sont sur le marché, contient des substances hautement cancérigènes, et d’autres facilitent l’accoutumance. Ce n’était pas le cas dans les années soixante lorsque j’étais adolescent.

Pour autant cela n’est en rien une excuse !.

 

  


   Quelques copains golfeurs étaient venus nous rendre visite, et nous étions allés faire dix huit trous au Golf de Rhuys qui se trouve tout à côté de la maison. Un parcours magnifique, déroulé dans une réserve ornithologique avec quelques trous qui longeaient le littoral.

Comme à mon habitude depuis quelques temps, et bien que le parcours fut plat, j’avais eu beaucoup de mal à jouer les quatre ou cinq derniers trous que j’avais  bâclés tellement j’étais fatigué….

Nous nous étions ensuite retrouvés à la maison pour déguster en plein air une belle côte de bœuf cuite au Barbecue, accompagnée de deux bonnes bouteilles de rosé bien frais. Nous avions ensuite terminé par un énorme kouign-amann, cette pâtisserie bretonne faite à base de pâte feuilletée et pleine de beurre et de miel.

    Ma fatigue était oubliée, et j’avais retrouvé toute ma vitalité. Le rosé sans doute… . A moins que cela ne soient les effets du très bon cognac que j’avais servi avec le café…. Sans oublier bien entendu une bonne petite cigarette pour conclure cet excellent et très convivial repas… .

 

    Comme d’habitude, ces deux semaines passèrent à une vitesse folle. Fort heureusement, il me restait encore plus de deux semaines de repos à prendre, et mes congés n’étaient donc pas terminés, mais ces quinze jours passés à l’air vivifiant et iodé de Bretagne m’avaient fait beaucoup de bien.

   Nous sommes donc rentrés à Paris, juste pour remplacer nos maillots de bains et autres affaires de plage par des vêtements propres, et plus appropriés aux promenades et à la vie à la campagne. Deux jours plus tard, c’est à dire  juste après le « rush » du quinze août et ses inévitables embouteillages à la sortie de Paris, nous avons repris la route pour la suite de nos vacances.
   J’avais toujours un peu mal à la gorge, la voix un peu éraillée le matin mais rien de bien méchant. Cela passait au bout de quelques minutes, généralement après avoir bu mon café matinal.
   Une seule chose me gênait pour moi qui adore la bière : je ne pouvais plus en boire car cela m’irritait la gorge et me piquait lorsque j’avalais. Même chose pour le vin. Je pensais alors que ce n’était pas plus mal et que ne plus boire de bière me ferait perdre un peu de ma surcharge pondérale (je pesais alors presque 90 kilos pour 1,83 mètres). Quand à ne plus boire de vin à table ? C’était un peu plus dur, mais après tout pas plus mal d’un point de vue hygiène de vie. Quelques semaines d’abstinence de boissons alcoolisées ne pouvaient pas me faire de mal.

 

   Après Vichy, la Saône & Loire et un crochet par la Drôme provençale, il fallait maintenant songer à rentrer à Paris pour reprendre le chemin du bureau. J’avais réduit de façon significative ma consommation de tabac, un peu inquiet quand même de ce mal de gorge persistant. Dès que nous serions à Paris, j’avais décidé d’aller voir mon médecin pour lui en parler. De plus j’avais remarqué que j’avais la langue un peu noire….

   Sans doute quelques mycoses, à moins que cela ne soit un dépôt de nicotine sur les muqueuses….

 



Paris septembre 2005,

 

   Après ces quatre semaines passées à l’air de la mer et de la campagne, J’avais retrouvé les embouteillages, la grisaille, la pollution, et, …mon bureau. Bien entendu et comme chaque fois à cette époque de l’année les dossiers ne manquaient pas et  recommençaient à s’accumuler sur ma table de travail !.

   J’avais donc repris en ce début septembre et comme une très grande partie des Français qui travaillent, le cycle infernal de  mon activité professionnelle, et comme beaucoup je présume, sans compter mes heures.

 

   De réunion en réunion, de déplacements en déplacements, je n’en finissais pas de courir après les avions, d’organiser des groupes de travail, d’étudier jusqu’à tard dans la soirée des études d’opportunités toutes plus inutiles les unes que les autres.

   Les jours et les semaines passaient, et j’avais à nouveau perdu mon teint hâlé et de vilains cernes bruns commençaient à reprendre place sous mes yeux. J’avais aussi remarqué que je me levais de moins en moins facilement le matin, et surtout que je commençais à être fatigué dès le réveil. Je ne ressentais plus ce bien être si agréable au lever après une bonne nuit de sommeil réparateur.

   Bref, j’étais à nouveau très fatigué, irritable, nerveux. Je n’avais même plus envie de sortir, de voir nos amis, et chose rare,  de jouer au golf. Surtout ce qui était nouveau, c’est que je n’éprouvais plus aucun plaisir à faire ce que je faisais, et pour la première fois de ma vie je me suis mis à aller au bureau à reculons ! .

   Je n’avais plus qu’une seule idée en tête : Pouvoir me reposer, partir quelque part et ne plus éprouver cette lassitude et cette fatigue permanente qui me pourrissait la vie.

 

   J’étais à bout de forces, à peine un mois après notre retour de congés !.

 

    Pour le reste, je m’étais habitué à ma voix cassée, et je repoussais de jour en jour le rendez-vous que je devais prendre depuis longtemps avec mon médecin traitant. Il était évident que je continuais, et de plus en plus à me mentir à moi-même, et que je jouais sérieusement avec ma santé. Je savais, je sentais que quelque chose n’allait pas mais je ne voulais pas le voir… Ni le savoir car cela me faisait peur.

   Bien entendu ma femme souffrait elle-même de cette inconstance de ma part, et essayait de temps en temps de m’en parler. Je passais très vite et inévitablement à autre chose.

   Il a bien fallu pourtant à un moment donné que je revienne sur terre. Mon épouse m’avait pris rendez-vous chez le médecin à qui elle avait fait part de son inquiétude à mon égard. Cette fois je n’ai pas éludé, et je me suis donc rendu au cabinet de notre généraliste, sans grand enthousiasme il est vrai. Comme par miracle, ce soir là j’allais un peu mieux… .

 

   Je me souviens très bien de cette consultation, la première d’une longue série à suivre : Il y avait là une maman avec ses deux enfants, assez turbulents d’ailleurs, qui mouchaient et toussaient sans discontinuer. Une dame d’un certain âge qui faisait des mots croisés en attendant patiemment son tour, et enfin, ce que l’on a coutume d’appeler aujourd’hui, un jeune cadre dynamique tapotant frénétiquement sur son PC portable, quand il ne consultait pas le répondeur de son téléphone, portable lui aussi, entre deux mises à jour de son agenda sur son Palm pilote dernier modèle flambant neuf.

   J’étais un peu amusé par son attitude et je me rendis soudain compte que j’avais aussi été comme çà il y a quelques années, et que mon fils qui avait 28 ans devait très certainement se comporter de la même façon.

   C’est effarant, comme le temps passe vite, et pourquoi avons nous cette capacité  à nous compliquer la vie en voulant prouver au monde entier que nous sommes les meilleurs ?. Ne devrions nous pas, en dehors des heures normales de travail, profiter de la vie en ne prêtant attention qu’aux choses simples, au lieu de ramener du travail jusque dans la salle d’attente d’un médecin Parisien, et pour le continuer à la maison parfois jusqu’à très tard la nuit ?. Drôle de vie quand même que celle  qui est la nôtre aujourd’hui, et où les seules valeurs qui nous guident et nous font avancer sont celles de l’argent et de la rentabilité à tout va.

   En fait la vraie question est celle ci :  que ne ferions nous pas pour conserver notre emploi et éviter d’aller pointer à l’ANPE ?.

   Même avec les problèmes qui sont les miens aujourd’hui, je préfère avoir plus de cinquante ans que 20 ans de moins, car la jeune génération des 25-35 ans est soumise à une intolérable pression et à cette sacro sainte obligation érigée en forme de mode de vie : être toujours le meilleur!.

   Chacun doit fournir quotidiennement les preuves de son asservissement au travail et de son adaptation à toutes les conditions,  sous peine de se voir jeter comme un vieux kleenex dont on aurait plus besoin.

 

   La dame et ses deux enfants venaient de passer, il me restait encore une petite demi-heure à tuer, et je me plongeais distraitement dans un numéro de Paris match du mois de mars dernier.

 

   J’avoue que lorsque vint mon tour, et que mon généraliste me fit signe d’entrer dans son cabinet, je n’étais pas très fier, redoutant je ne savais quelle annonce de catastrophe…. J’avais décrit les signes « cliniques » dont je souffrais, à savoir mon extinction de voix et mon mal de gorge, tout ceci associé à une fatigue qui maintenant ne me quittait plus. Mon toubib m’écouta attentivement et m’ausculta de la tête aux pieds.

 

 Monsieur Bonnet…. Je ne suis pas très inquiet, pour le moment (j’avais relevé le « pour le moment »….). Je pense que vos problèmes de gorge sont probablement la cause de reflux gastriques dus peut être à une hernie hiatale (très fréquente chez les gros fumeurs…) ou encore au stress. Je vais donc vous donner un traitement d’un mois pour tenter d’enrayer ces reflux, et on se revoit pour faire le point dès la fin du traitement. 

 

   Je l’avais écouté attentivement comme on écoute le bon dieu. Il était vrai que j’avais des renvois acides à certains moments, et c’est donc un peu rassuré et plus détendu, que j’étais rentré à la maison en annonçant à ma femme :

 

 Ne t’inquiètes pas, tout va bien, il n’y a rien d’important ! c’est juste un problème de reflux gastrique…..

 

   Même moi, tout au fond, quelque part je n’arrivais plus à croire à ce que je racontais et je savais bien qu’il pouvait y avoir autre chose. J’étais même très étonné que mon généraliste ne m’ait pas dirigé ipso facto vers un ORL, ne serait-ce que par précaution. Il est vrai aussi que je n’avais pas beaucoup insisté, et que je n’avais pas forcé le trait pour tout ce qui concernait ma fatigue chronique, mon extinction de voix, etc. Ma femme me posa d’ailleurs la question…..comme si elle venait de lire dans mes pensées !

 

   Mon généraliste m’avait fait, sans que je lui demande, un arrêt de travail de 4 jours. J’allais en profiter pour me reposer un peu.

 

   A défaut d’autre chose, j’ai commencé le traitement que l’on m’avait prescrit, essayant de me persuader que le diagnostic était bon.

 

   J’avais toujours la voix rauque et enrouée le matin et j’étais de plus en plus fatigué…. Pour la première fois de ma vie je me mis à avoir peur. Les mots « cancer » et « tumeur »  commençaient à hanter mes nuits et m’empêchaient de m’endormir paisiblement. Il m’arrivait aussi de me réveiller en sursaut et en nage et de ne pouvoir me rendormir qu’avec l’aide d’un anxiolytique…



Paris, début octobre 2005.

 

   Il se trouve que je suis un gros consommateur de sucreries et bonbons en tous genres, et plus particulièrement les boules de gomme. Je ne sais pas pourquoi – cela doit remonter à l’enfance sans doute- mais à chaque fois que j’en ai l’occasion je m’achète un paquet de ces friandises parfumées et très peu naturelles.

   Un soir, alors que je venais de faire des courses au petit supermarché de mon quartier,  j’en avais ouvert un paquet que je venais juste d’acheter, et mâchais avec vigueur une boule de gomme parfumée à l’eucalyptus. Je ne sais, si j’ai du vouloir l’avaler un peu vite, mais le morceau de gomme, peut être un peu trop gros, resta coincé au fond de ma gorge, refusant obstinément de passer! .

   Cela arrive à tout le monde d’avaler de travers ou de s’étrangler un peu, mais depuis quelques temps cela m’arrivait fréquemment. Par réflexe je la fit remonter en toussant fort, et là……

 

   Une douleur intolérable, qui me fit monter les larmes aux yeux,  avait envahi le fond de ma bouche et je sentit l’espace d’un instant « quelque chose » qui bloquait le passage et qui était vraisemblablement à l’origine de cet confusion  de déglutition.

   De retour à la maison, et bien entendu sans en toucher un mot à mon épouse, je me suis enfin résolu à appeler mon toubib pour obtenir un rendez-vous en urgence.

 

   Il était temps que je me prenne un peu en charge, je n’avais que trop tardé !

 

   Bien que débordé comme à son habitude il accepta de me recevoir le jour même. Il m’ausculta et m’envoya, à ma demande, consulter un ORL du quartier.

   Nous étions le 14 octobre 2005, je venais de terminer une semaine très stressante au niveau du boulot, et malgré mes quelques jours d’arrêt, j’étais littéralement lessivé.

 

   Je pris donc rendez-vous par téléphone le jour même, et l’ORL en question accepta de me recevoir le lendemain m’informant même que mon généraliste venait de l’appeler… . Ca commençait vraiment à m’inquiéter.

 

   Cette nuit là fut une très longue nuit sans sommeil.

 

   Allongé sur le dos les yeux ouverts dans l’obscurité je repensais à toutes ces fois où l’on m’avait mis en garde.

 

   Je revoyais en boucle le décès de mon beau-père qui avait lui aussi succombé à cause de son amour immodéré des gitanes maïs, et le calvaire qui avait été le sien avant qu’il ne ferme définitivement les yeux. Je me souviens même de ce jour (soixante douze heures avant sa mort !) où, depuis son lit d’hôpital, il m’avait supplié de lui laisser en cachette deux cigarettes pour atténuer son état de manque, alors qu’il venait de se faire enlever une partie d’un poumon !! Pourquoi d’ailleurs lui aurais-je refusé cette  faveur? . Cela n’aurait rien changé, il était de toute façon déjà trop tard…. Et j’avais lu dans son regard  presque éteint qu’il le savait sans doute déjà.

 

   Et pour moi, était il déjà trop tard ?. Je n’allais certainement pas tarder à avoir la réponse.

 

   Ce n’est qu’à l’heure où les oiseaux se mettent à gazouiller, juste avant le lever du soleil, quand la nuit cède la place à la pâleur du petit matin que je sombrais dans un sommeil agité. Au réveil, j’avais une tête à faire peur. Les yeux cernés, les joues creuses, et d’une pâleur extrême.

   Je n’allais pas bien du tout, et je lisais dans le regard de mon épouse une inquiétude aussi grande que la mienne.

 

   Je rendis bien évidemment, et comme à chaque fois que j’avais de grosses contrariétés, mon petit déjeuner dans les toilettes.

 

   Je savais déjà avant même d’aller chez l’ORL que je n’allais pas passer une journée ordinaire, et que j’avais un « problème » quelque part !! Je crois pouvoir dire que j’ai ce matin là, entre aperçu ce qu’un condamné à mort ressent quand on le conduit à l’échafaud…mieux vaut tard que jamais….

 


15 octobre 2005 premier diagnostic

 

   Je m’étais déjà rendu chez cet ORL de mon quartier, dont le cabinet était à peine à cent mètres de chez moi, mais seulement pour me faire déboucher les oreilles, ou pour d’autres consultations anodines. Jamais pour quelque chose de sérieux.

   Pour la première fois de ma vie j’avais vraiment peur  en entrant dans la salle d’attente de ce médecin, peur de ce que j’allais apprendre.

   Je n’avais pas eu à attendre bien longtemps, le rendez-vous étant relativement tôt dans la journée. Le Docteur Floriandre m’ausculta, d’abord par palpations au niveau du cou, puis à l’aide d’une fibre optique que l’on passe par les narines et qui ressort au niveau de la Gorge : un endoscope.

   L’examen endoscopique dura une dizaine de minutes et le verdict tomba. J’aurai pu me boucher les oreilles, je devinais déjà ce qu’il allait me dire.

 

Monsieur… . Il marqua un léger temps d’arrêt avant de continuer : L’examen que je viens de vous faire montre une anomalie au niveau des cordes vocales du côté gauche. Pour ma part je ne peux pas, avec le matériel dont je dispose ici, aller plus loin dans mes investigations. Je vais vous envoyer vers un confrère qui a une consultation à l’Hôpital Pompidou tout proche pour qu’il confirme mon diagnostic, et procède à un prélèvement par biopsie. Il s’agit du Professeur Delcaurre. J’appelle  aujourd’hui même  son secrétariat pour qu’il vous fixe  un rendez vous dès que possible. 

 

 

 

Mais, cette…. anomalie, cela peut être cancéreux ?… . 

 

   J’avais posé cette question de façon mécanique pour dire quelque chose, mais aussi pour en finir avec les doutes qui m’assaillaient depuis plusieurs jours. Je savais très bien ce qu’il allait me répondre, ce qu’il fit immédiatement sans détour et sans rien me cacher.

   Il n’était pas affirmatif, m’indiquant que seul un prélèvement par biopsie pourrait confirmer ou infirmer, si il s’agissait de quelque chose de bénin ou non, mais je voyais bien à l’expression de son visage qu’il n’était pas optimiste.

   Ce n’était sans doute pas la première fois qu’il voyait ce genre de choses et qu’il avait à annoncer à quelqu’un qu’il avait une tumeur cancéreuse… .

 

   J’avais quelque chose qui poussait dans le fond de ma gorge, et ça c’était une certitude !

 

   Cette fois on y était, et mes pires craintes devenaient réalité. Comment allais-je annoncer ça à ma femme … à mon fils ?.

   Comment leur  dire que je devais faire une biopsie, peut être subir un traitement de chimiothérapie et peut être me faire opérer?. En fait, durant les longues minutes qui avaient suivi cette consultation, je pensais plus à la réaction des miens et à la peine que j’allais leur infliger, plutôt qu’à moi-même.

 

 J’étais à présent dehors sur le trottoir, rue Lecourbe. Machinalement je cherchais dans ma poche mon paquet de Gitanes -j’avais bien entendu laissé la pipe au fond d’un tiroir depuis belle lurette !- pour allumer une cigarette, histoire de me calmer !.

   J’étais vidé, anéanti, et c’est comme un véritable  zombi que je mis à marcher, sans réellement savoir où j’allais, mais dans le sens opposé à celui de la maison.

   J’étais tout à fait incapable de raisonner de façon rationnelle, et encore moins de réfléchir. Je ne savais plus où j’allais, ni qui j’étais.

   Je manquais de me faire renverser par une voiture que je n’avais ni vu ni entendu venir, et je ne prêtais aucune attention aux vociférations légitimes du conducteur. Je croisais des gens sans les voir tout en les maudissant d’être eux, en bonne santé ! un comble !…. comme si c’était de leur faute ?

   J’avais soudain l’impression que le mot « Cancer » était inscrit sur mon front et que chaque personne qui me croisait devinait que j’étais malade

 

Paul ? où vas tu ? 

 

   C’était ma femme qui était venue à ma rencontre, sans doute inquiète de ne pas me voir revenir. Elle me questionna du regard et vit immédiatement dans mes yeux qu’il y avait un problème…quelque chose de grave. Je savais qu’à partir de cet instant tout basculait, et que notre vie ne serait plus jamais comme avant, et tout ça par ma faute.

   J’étais littéralement paniqué, honteux, et… mort de peur !

Elle me prit la main, essaya de me calmer et de me rassurer par quelques mots doux et gentils, et me ramena chez nous sans jamais cesser de me parler, mais sans jamais me reprocher quoi que ce soit. Elle aurait pourtant pu le faire de plein droit, je n’aurai pas bronché.

 

   On croit bien connaître ceux  qui partagent notre vie, et dans notre cas, cela faisait plus de 33 ans que nous étions mariés. Je suis bien obligé de reconnaître aujourd’hui que je m’étais trompé : je ne connaissais pas la femme qui vivait à mes côtés.

   Je la croyais hyper fragile, je pensais qu’elle allait s’affoler devant mon état, s’effondrer en larmes et dans l’incapacité elle aussi de réagir de façon rationnelle. Ce fut exactement le contraire qui se produisit.

 

   A partir du moment où elle sut ce qui m’arrivait, ce fut elle qui prit tout en main avec un courage et un sang froid admirable autant qu’inattendu !. Jamais je ne l’aurai cru capable d’une telle énergie et d’une telle détermination !.

 

   Nous sommes donc rentrés à la maison, et la première chose qu’elle fit, fut de prévenir notre fils Xavier. Il s’arrangea pour être en mesure de disposer de sa journée à la date de mon rendez-vous chez l’ORL à  l’Hôpital, de façon à pouvoir nous accompagner et être présent aux côtés de ses parents dans ces moments difficiles.

 

   Je réussissais peu à peu à me calmer et à retrouver mes esprits. Le calmant que j’avais pris commençait à faire son effet.

 

   Le seul fait de me retrouver chez moi, dans un univers familier me permit de reprendre pied avec la réalité des choses. Ce que l’on venait de m’annoncer était très grave, c’est vrai, mais pour autant, passé le choc initial,  je me refusais à baisser les bras et à me lamenter sur mon sort.

   Nous étions vendredi, et le rendez-vous avec le professeur Delcaurre avait été pris pour lundi matin. Cela ne serait certainement pas une partie de plaisir, et j’allais vraisemblablement entendre certaines choses beaucoup plus déplaisantes que celles que l’on m’avait dites aujourd’hui. Je devais m’y préparer dès maintenant.

 

   Jamais un week-end ne me parut aussi long et triste que celui-ci. Et pour arranger le tout il avait plu sans discontinuer pendant quarante huit heures !!

 

( A suivre.... demain)

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